[Photo de Tower Electric Bikes sur Unsplash]
Australia | Zanita Fletcher

J'ai un ami qui m'envoie un message disant : « Je viens de voir une baleine !!! » à chaque fois qu'il en voit une. Cela peut paraître anodin, mais je vis près de la trajectoire de migration des baleines à bosse où des milliers de baleines passent chaque année pour rejoindre des eaux plus chaudes. Gardez les yeux sur l'horizon pendant cinq minutes et vous verrez certainement une baleine. Par conséquent, ce genre de notifications arrivent aussi fréquemment que les faux messages postaux disant que j'ai une livraison prévue ou les numéros étrangers qui me proposent de réduire ma consommation d’électricité. Il m'est même arrivé de répondre à ces messages : « Oh... encore un autre message de baleine. »

Pourtant, lorsque je m'arrête pour y réfléchir, c'est plutôt admirable. Alors que beaucoup d'autres passent en courant et cessent de regarder l'eau, mon ami est encore capable de s'enthousiasmer devant quelque chose qui, du moins là où nous vivons, est une observation assez banale.

Nous voyons ce genre de joie chez les enfants tout le temps et nous l'admirons en grandissant. Nous les regardons crier, ébahis, pour des bulles, du sable ou un oiseau sur la clôture, et nous ne pouvons nous empêcher de rire face à leur réaction. En vieillissant, de nombreuses choses viennent contrarier ces moments, et nous devenons moins sensibles à tous les petits plaisirs que la vie a à offrir. Nous sommes occupés, nous avons des responsabilités, nous sommes blessés et nous nous inquiétons du monde qui nous entoure. Nous n’oublions pas d’avoir du plaisir mais nous avons simplement tendance à nous tourner vers les grands plaisirs momentanés, comme les vacances, les repas raffinés, les sensations fortes et les gadgets.

De nombreuses choses existent et pourraient m'apporter de la joie à peu de frais et d'efforts si je m'arrêtais pour y prêter attention : le sourire d'un inconnu, la pluie sur un toit de la tôle, les motifs sur les feuilles, les rochers dans lesquels on peut s'enfoncer, le craquement d'une pastèque, le reflet de la lune sur l'eau, etc. Comme un enfant qui crie : « Waouh ! Encore ! », c'est ainsi que je devrais réagir, mais souvent, je suis distrait par la vie et je passe à côté.

Je me demande quelle est la réponse de Dieu aux choses de la création. Fait-il chaque lever de soleil comme nous faisons nos lits, ou se réjouit-il de chaque aube comme un enfant avec un nouveau paquet de crayons ? Est-ce qu'Il montre du doigt les étoiles qui scintillent dans le ciel, ou est-ce qu'Il tient sa tête dans ses mains à cause de tout ce qu'il y a à faire ? Se pâme-t-il devant l'embrun des vagues de l'océan ou a-t-il créé les montagnes comme nous tondons nos pelouses ?

Après avoir subi une attaque cérébrale, Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef d'un magazine de mode français, s'est retrouvé complètement paralysé, muet et à moitié sourd. Lettre par lettre, avec une seule paupière fonctionnelle, il dicte à une infirmière un mémoire intitulé Le Scaphandre et le Papillon. Alors qu'il est hospitalisé pour les dernières années de sa vie, il se souvient de moments qu'il aimerait revivre : une tasse de thé au lait dans les mains, des fauteuils profonds, des poissons tout droit sortis de l'eau, la manipulation des robinets de la baignoire avec ses orteils, un simple œuf à la coque, le fait de bercer ses enfants dans ses bras, les escaliers qui descendent vers la plage et qui sont maintenant des impasses, la capacité de répondre à un « Je t'aime ».

Bien que sa vie soit désormais privée de la plupart des plaisirs et qu'il la décrit comme « une existence de méduse », Bauby continue de trouver de petits trésors. Les derniers mots qu'il a dictés dans ses mémoires, deux jours avant sa mort, étaient : « Il faut continuer à chercher. » Même confiné dans un lit d'hôpital, il pouvait encore apprécier la vue de la mer par sa fenêtre et une main amicale caressant ses doigts engourdis.

Nos luttes obscurcissent souvent notre vue et nous empêchent de profiter de ce qui nous entoure. Au cours de la COVID, l'université de Yale a lancé un cours intitulé « The Science of Well-being » [La science du bien-être], afin de procurer aux gens des outils pour accroître leur bonheur. L'un de ces outils psychologiques était appelé « savourer », ce qui signifie sortir d'une expérience pour l'examiner et l'apprécier. Le défi consistait à choisir une expérience à savourer chaque jour, qu'il s'agisse d'une petite douche ou d'une promenade à l'extérieur. Ils devaient ensuite partager cette expérience avec une autre personne ou réfléchir à la chance qu'ils avaient de pouvoir profiter de ce moment. Des études ont montré que le fait de savourer des moments nous permet de remarquer et d'apprécier davantage les expériences de la vie, nous aide à gérer le stress et augmente même notre créativité.

Ce n'est pas un hasard si la Bible nous dit de sentir et de voir combien l'Éternel est bon ! (Psaume 34:8) Et, lorsque nous sommes dans l’attente ou avons besoin de force, de voir la bonté de l'Éternel sur la terre des vivants ! (Psaume 27:13, 14). Il ne nous est pas demandé de nous contenter de lire et de croire, mais de faire l'expérience de Dieu et de le connaître en prêtant attention aux dons qu'il nous fait chaque jour. Faire cela procure plus que quelques secondes de plaisir. Nous cultivons ainsi une attitude d'adoration, d'admiration et de reconnaissance, et nous grandissons dans notre capacité à voir le bien et Dieu. Comme le dit l'auteure Tish Harrison Warren : « Nous devons prendre l'habitude – le privilège et la responsabilité – de remarquer, de savourer, de nous délecter, afin que – pour reprendre l'expression d'Annie Dillard – ‘la création n'ait pas à jouer devant une maison vide’ » (Liturgy of the Ordinary, p.136).

Je pense que notre Dieu n'est pas un Dieu ennuyeux. Non seulement il se réjouit des petites choses mais aussi de la joie qu’elles nous procurent. Certes, nous ne pouvons nier que la vie peut être difficile, cependant les petites joies qui nous entourent peuvent être un lieu de repos et d'espoir et elles peuvent soutenir alors que nous naviguons sur ce qui peut parfois sembler être une mer de déceptions. Nous pouvons apprécier un regard complice de notre animal de compagnie et nous rappeler que Dieu nous voit. Nous pouvons regarder les coups de pinceau sur un coquillage et contempler Sa minutie. Nous pouvons sentir l'herbe entre nos orteils et nous rappeler qu'Il construit les fondations de nos vies avec une telle sagesse.

Dans Letters to Malcolm, C.S. Lewis a écrit qu'il avait cru un jour devoir commencer « par invoquer ce que nous croyons de la bonté et de la grandeur de Dieu, par penser à la création et à la rédemption ». Au lieu de cela, il a dit de commencer par les plaisirs accessibles. Pour lui, c'était le murmure d'un ruisseau et le confort de la mousse. Au moment où j'écris ces lignes, c’est un ciel bleu après des semaines de pluie et le chant de mon voisin à son piano.

En vieillissant, nous devons réapprendre l'art de la gaieté et exercer le muscle de la joie de vivre. C'est pourquoi, pour reprendre les mots de C.S. Lewis, « commencez là où vous êtes ». Concentrez votre regard sur l'émerveillement, la beauté et le plaisir que Dieu a placés ici pour nous. Et lorsque vous vous sentez un tant soit peu enthousiasmé, prenez une profonde respiration et laissez échapper un « Waouh !!! » retentissant. Remerciez Dieu et partagez votre « moment-baleine » avec un être cher. Avec le temps, les petites choses paraîtront plus importantes et plaisantes.

Cet article a été publié initialement sur le site de Adventist Record.

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