Afin de repositionner ses média, l’Eglise Adventiste remanie le secteur des publications en Amérique du Nord

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Cette mesure a des répercussions sur les maisons d’édition de la Review and Herald et la Pacific Press Publishing

Les maisons d’édition Review and Herald et la Pacific Press Publishing ont approuvé la plus grande restructuration qu’ait connue le secteur de l’édition adventiste depuis sa création voilà 153 ans, adhérant à un plan, qui du moins l’espèrent les dirigeants de la dénomination, viendra renforcer la présence de l’église sur le plan digital aux Etats-Unis pour assurer sur le long terme la viabilité de ses publications.

Des rencontres réunissant les électeurs de ces deux corporations ont eu lieu mardi au QG de la dénomination, à Silver Spring, dans le Maryland. Les membres ont voté à 153 voix pour et 66 contre, en ce qui concerne la Review and Herald et 42-1 pour la Pacific Press Publishing, en faveur de la restructuration.

Légende : Les électeurs des deux maisons d’édition ont voté pour le remaniement du secteur de l’édition en Amérique du Nord. Les rencontres ont eu lieu le 17 juin, au QG de la dénomination, à Silver Spring, dans le Maryland, aux Etats-Unis.

Suite à ce vote en faveur de la restructuration, la constitution et les statuts de chaque entité corporative ont été amendés, pour refléter ces changements. Au minimum, il était nécessaire d’avoir l’approbation de 2/3 des votants pour pouvoir amender les documents de chaque corporation et la rencontre de mardi marquait l’ultime étape permettant de procéder au lancement de ce plan visant à faire de Pacific Press, une maison d’édition viable, apte à faire face à la demande d’un marché où de plus en plus de lecteurs utilisent des smartphones et des tablettes pour se tenir informé, délaissant ainsi les livres et les magazines.

Le comité exécutif de la Conférence Générale ainsi que la Division Nord-Américaine avaient précédemment approuvé cette restructuration. Le comité de direction des deux maisons d’édition avait voté pour que ce plan soit soumis à leurs électeurs lors de leurs conseils d’administration respectifs du 08 mai dernier. Dans le cadre de ce plan, la Pacific Press devrait connaître une expansion et devenir une institution de la Division Nord-Américaine.

« La Conférence Générale souhaite que le secteur des publications connaisse la plus grande expansion possible au sein de la Division de l’Amérique du Nord et prie pour que cette restructuration soit bénie par Dieu alors que tout est mis en œuvre pour atteindre le plus de gens possible dans ce vaste territoire, » a déclaré le président de l’Eglise Mondiale, Ted N. C. Wilson.

Wilson a lancé un vibrant appel afin que les membres d’église se rallient à cette opportunité de partager les ressources adventistes dans le domaine de l’évangélisation, que ce soit sous forme imprimée ou digitale, anticipant ainsi le retour imminent de Jésus.

Pourquoi une restructuration?

Avec cette restructuration, la Review and Herald qui connaît actuellement des difficultés financières pourra revoir ses opérations sur son domaine de 40 hectares, à Hagerstown, dans le Maryland. Un processus qui pourrait durer plusieurs mois.

Quelques employés et quelques biens pourraient être transférés à Nampa, dans l’Idaho, où se trouve le siège de la Pacific Press Publishing Association, qui devrait devenir la principale institution de la Division Nord-Américaine, car elle possèderait sa propre imprimerie. Tous les équipements et toutes les propriétés, dont la Review and Herald n’ont plus besoin, seront revendus et les recettes seront reversées à la Pacific Press afin d’aider à renforcer les opérations d’impression, permettant ainsi aux planches d’imprimerie d’effectuer plusieurs changements, rentabilisant le coût de production. Ce revenu viendra également renforcer la production des livres électroniques, des applications et autres formes de média digitaux.

« Si nous n’investissons pas dans le secteur digital, nous allons nous retrouver au même point que Kodak, qui a inventé la caméra digitale mais a refusé de prendre en considération les changements qui s’opéraient. A présent, elle a quasi disparu, » a déclaré Robert Lemon, trésorier de la Conférence Générale et membre du conseil d’administration tant de la Review and Herald que de la Pacific Press Publishing.

Eastman Kodak, celui qui pendant plus d’un siècle fut le leader en matière de pellicule photographique,  inventa la caméra digitale en 1975,  mais ne tint aucun compte de la tendance vers la photographie digitale qui apparut vers la fin des années 90. En 2012, il déposa le bilan et déclara faillite.

« Nous pensons que l’édition a un avenir glorieux, mais pas nécessairement en terme d’impression, » a déclaré Lemon au téléphone, avant le vote de mardi.

Un changement dans les habitudes de lecture

Les gens aiment lire, c’est un fait que personne ne conteste. La question est de savoir comment ils s’y prennent pour lire aujourd’hui, comparé à il y a dix ans, quand les livres et les magazines dominaient le monde, comme cela a toujours été le cas depuis les débuts de la Review and Herald, la première institution de la dénomination, en 1861.

Plutôt que de se fier à une poignée de publications hebdomadaires ou mensuelles, les adventistes d’aujourd’hui peuvent avoir accès à l’information instantanément à travers divers sites et blogs, ainsi qu’à travers les stations de télévision adventiste comme Hope Channel, qui a une présence mondiale.

« Il en va de même pour tant d’autres choses, » a déclaré Lemon. « Je reçois la version imprimée du guide de l’Ecole du Sabbat, à la maison, mais j’utilise l’application se trouvant sur mon iPhone. J’ai tous les ouvrages d’Ellen White dans ma bibliothèque à la maison, mais hormis « Le grand conflit », « Vers Jésus », « Jésus-Christ », je ne les lis pas, car je les consulte de mon iPhone. »

Lemon n’est pas le seul. Pour ne citer qu’un exemple, l’Eglise Internationale de Moscou, en Russie, a annulé son abonnement annuel pour le guide de l’Ecole de Sabbat, en langue anglaise, avec la Pacific Press. La raison d’une telle décision : les participants aux classes de l’Ecole du Sabbat ont fait un sondage et découvert que tout le monde utilisait les versions téléchargées sur leurs smartphones ou leurs tablettes.

La vente des livres adventistes dégringole

Le changement du mode de lecture du public et les tendances sociétales vers les média sous forme digitale ont eu un impact négatif sur la vente des publications adventistes et les dirigeants adventistes ont fait part de leurs craintes en ce qui concerne les maisons d’édition de Review and Herald et Pacific Press, si une restructuration majeure n’avait pas lieu. De nos jours, les consommateurs prennent connaissance des dernières nouvelles par les média digitaux ou de diffusion, délivrées par une variété de plateformes et les journaux à caractères commerciaux rapportent que de moins en moins de livres sont produits et lus.

En 2013, mesuré en termes de dollars, les revenus de la Review and Herald ont chuté de $45.8 millions à compter de 1985 pour passer à $21.8 millions, l’année dernière, alors que le nombre de ses employés à plein temps a chuté de 315 pour 112. Chez Pacific Press, les revenus ont chuté, passant de $47.7 millions en 1985 à $17 millions, l’année dernière. Il a réduit son effectif de plus de moitié, pour passer de 210 employés à plein temps en 1985 à 99, aujourd’hui.

Mais ces chiffres avancés par les maisons d’édition à l’intention de la Conférence Générale, ne révèlent qu’une partie de l’iceberg. Depuis 2000, Review and Herald a affiché des pertes chaque année, excepté pour 2011 et 2012. En 2011, la maison d’édition a vendu 23 hectares de terrain à la conférence Générale pour un total de $11.5 millions, afin d’éponger ses dettes. De plus, en 2011 et 2012, elle a reçu une importante commande pour le livre « Le Grand Conflit ». Cependant, en 2013, la compagnie a accusé un déficit budgétaire de $1 million et des relevés émis à l’intention du conseil d’administration de la Review and Herald, révèlent un déficit de $965 000, depuis le début de l’année jusqu’à ce jour.

Pendant ce temps, Pacific Press Publishing a enregistré des profits, chaque année depuis 2000, sauf en 2008, quand elle a enregistré des pertes sur investissement, dû à la crise financière qui a secouée les Etats-Unis. La performance de la compagnie qui a été de maintenir une stabilité sur le long terme, lui permet d’afficher un avoir de $25 millions, liquides et investissements compris.

« Pour résumer, depuis ces 28 dernières années, les deux organisations ont connues de nombreux changements en termes de leadership, notamment présidents, vice-présidents et présidents de conseil d’administration et ont dû faire face aux mêmes défis, c’est-à-dire, la chute des ventes et la détérioration des systèmes de distribution, » a déclaré Lemon. « Mais avec la culture corporative adoptée à la Pacific Press, ils ont tant bien que mal réussi à rester solvable, alors que la Review and Herald a connu plus d’années de déficit que de bénéfices, tout particulièrement durant cette dernière décennie. »

Cependant, Lemon a tenu à spécifier que même la Pacific Press, qui a été fondée en 1875, a besoin d’être restructurée parce que le secteur de la publication en général ne fait que dégringoler, dégringoler, dégringoler ! »

L’émergence des média digitaux pose aussi un problème à la distribution. Les méthodes de distribution traditionnelles des publications adventistes, à travers les librairies adventistes et le colportage ne sont plus viables, du moins aux Etats-Unis, selon Lemon. Les librairies se battent pour survivre, comme le démontre les déboires financiers des principaux grossistes, tels Borders et Barnes et Noble, alors que la distribution de livres est devenue si efficace qu’il est quasiment impossible de gagner sa vie en faisant du colportage, a-t-il ajouté.

Le rôle de la Pacific Press

Combien d’employés de la Review and Herald seraient susceptibles de se voir attribuer un poste à la Pacific Press et quelle ligne de production gagnerait à être transférée là-bas, sont autant de questions auxquelles la Division Nord-Américaine et la Pacific Press doivent trouver une réponse, dans les semaines à venir.

« Je pense que j’ai en tête plus de questions que de réponses, » a déclaré Dale Galusha, président de la Pacific Press, depuis son bureau de Nampa, lors d’une récente conversation téléphonique.

Il est d’avis que la Pacific Press devrait décider quels actifs absorber et de combien d’employés elle aurait besoin, seulement après que la Division Nord-Américaine aura décidé quelle ligne de production elle compte soutenir.

Mais Galusha a promis que la Pacific Press honorera tous les contrats de la Review and Herald, dont Message, Insight et Guide. « Nous allons nous assurer que toutes les promesses seront tenues, » a-t-il déclaré.

La stratégie digitale de la Pacific Press en est encore tout à ses débuts, mais la compagnie devrait ajouter à son affiche les quelques 30-40 titres que Review and Herald publie chaque année.

Les préoccupations de la Review and Herald

Il est probable, et c’est tout à fait compréhensible, que le président de la Review and Herald, Mark Thomas, ne soit pas tout à fait transporté de joie à l’idée de tous ces changements imminents.

« Je considère que ce plan a été élaboré par des personnes se préoccupant de la solvabilité d’une entreprise. Ils envisagent les moyens par lesquels combiner efficacement deux imprimeries ne tournant pas à plein régime en une seule entreprise, » a déclaré Thomas dans un courriel où il répondait à des questions qui lui avaient été posées. « Je me considère comme un homme d’affaire et je comprends cette partie du plan.

« Evidemment, pour des raisons personnelles, j’aurais souhaité qu’ils choisissent notre usine  pour les travaux d’impression. Mais, il y a d’excellentes raisons, d’un point de vue financier, qui me poussent à dire qu’il serait avantageux de centraliser les travaux d’impression dans le Maryland, » a déclaré Thomas, se basant sur le fait que la compagnie est située dans un important centre de transport maritime, ce qui ramènerait à la baisse les frais de transport.

Il a également fait part de ses préoccupations en ce qui concerne la commercialisation et le développement des produits aux Etats-Unis, estimant que cela pourrait nuire profondément à l’édition adventiste. Il a pris comme exemple, « Christmas in my Heart », une série de livres que la Pacific Press a publié, après que la Review and Herald ait mis un terme à sa publication. De la même façon, Review and Herald a développé une série « MagaBook » qui a permis à des milliers d’élèves évangélistes de payer leur scolarité pendant des années, alors que Pacific Press avaient décidé de ne pas adopter ce concept.

« La Pacific Press et nous, sommes semblable à Apple et Samsung, dans le monde de la téléphonie, » a déclaré Thomas. « Nous permettons aux gens de choisir. Nous nous obligeons mutuellement à améliorer constamment notre travail ! »

La Conférence Générale en tant que maison d’édition

Dans le cadre de cette restructuration, suite au vote pris le 17 juin, la Pacific Press est devenue une institution de la Division Nord-Américaine alors que la Conférence Générale va garder une structure électorale pour la Review and Herald, qui sera considérée comme une de ses institutions, mais avec un personnel nettement réduit et dont la base opérationnelle devrait être transférée à Silver Spring, dans le Maryland, à 90 minutes de son site actuel.

La Conférence Générale qui avait permis à la Pacific Press et à Review and Herald de fonctionner comme des entreprises indépendantes, sans aucune aide financière, a opéré officieusement pendant des années, comme une maison d’édition ne possédant pas sa propre imprimerie. Elle emploie une équipe éditoriale composée d’une cinquantaine de personnes qui gèrent une variété de publications dont Adventist Review, Adventist World, KidsView, Ministry, Journal of Adventist Education, Elders’ Digest, les manuels de l’Ecole du Sabbat et du matériel à l’intention de l’Institut de Recherches  Bibliques.

Bien que les écrits de la co-fondatrice de la dénomination, Ellen G. White sont publiés par les deux maisons d’édition, l’éditeur est la Fondation Ellen G. White, une entité intimement associée à la Conférence Générale.

Delbert Baker, président de la Review and Herald et vice-président de la Conférence Générale a tenu à préciser que la Review and Herald allait poursuivre son ministère, bien qu’à un endroit différent et sans ses  presses typographiques, s’étant fixée un autre objectif.

« Néanmoins, il est encourageant de savoir que la Review and Herald va continuer sa mission initiale sans iaucunenterruption, au QG de la Conférence Générale, » a-t-il déclaré. « Un autre aspect douloureux de ce processus est l’élimination progressive des infrastructures de Hagerstown et son impact sur les fidèles employés de la maison d’édition.

Il a déclaré qu’une attention particulière avait été accordée aux plans mis en place à l’intention des employés de la maison d’édition, aussi connue sous l’acronyme RHPA,  touchés par cette restructuration.

« Nous remercions Dieu et tous ceux impliqués pour leurs efforts visant à rendre le moins douloureux possible la transition pour les employés de la RHPA, » a-t-il ajouté.

La nécessité d’une restructuration

La restructuration a pris du temps avant de se mettre en place. Les dirigeants d’église ont évoqué une restructuration qui donnerait davantage de contrôle à La Division Nord-Américaine sur les maisons d’édition pour les 15 prochaines années. La Division Nord-Américaine était la seule qui n’avait pas au sein de ses institutions, une maison d’édition. La raison de cet état de chose relève d’un fait historique : La Conférence Générale supervisait et l’Eglise Adventiste Mondiale et le territoire nord-américain depuis sa mise en place en 1863 et ce jusqu’en 1990, année durant laquelle la Division Nord-Américaine vit le jour.

Cette restructuration s’apparente à un Plan B pour la Conférence Générale et la Division Nord-Américaine. Un groupe de travail fut formé durant l’été 2013, afin d’étudier l’option d’une éventuelle fusion entre les deux maisons d’édition, mais aucune recommandation en ce sens ne fut faite, car cela ne semblait pas cadrer avec les conseils donnés par Ellen white à ce sujet. Ellen White avait déclaré qu’il n’était pas judicieux de fusionner les deux maisons d’éditions, vers la fin des années 1800. Selon les officiels de l’Eglise, ce dernier plan est en accord avec les principes préconisés par Ellen White, car il s’agit là de la fusion des opérations d’impression et non des opérations liées au secteur des publications ou de l’édition.

De toutes les façons, l’actuelle Review and Herald est le résultat d’une fusion. En 1980, la Southern Publishing Association qui était criblée de dettes et dont le siège se trouvait à Nashville, dans le Tennessee, fut absorbée par la Review and Herald.

Bill Knott, l’éditeur en chef et directeur de la publication d’Adventist Review et Adventist World, qui à eux deux représentent un quart des ventes de la Review and Herald, a exprimé sa préoccupation en ce qui concerne le personnel de la Review and Herald, bien qu’il attende avec impatience de vivre une nouvelle ère de la publication adventiste, après cette restructuration.

« Ce sentiment de perte est palpable pour chacun d’entre nous, qui avons grandi entouré des produits publiés par la Review and Herald, qui a plus de 150 ans d’existence, » a-t-il déclaré. « L’énorme contribution apportée par ces hommes et ces femmes réunis au sein d’une même équipe professionnelle ne sera jamais totalement reconnue, jusqu’à ce que nous en ayons un compte rendu détaillé un jour au ciel. »

Il déclare qu’il s’attend à ce qu’Adventist World et Adventist Review continuent à collaborer aussi intimement avec la Pacific Press comme ce fut le cas avec Review and Herald.

« En fin de compte, le plus important est de nous focaliser sur notre mission et cette mission nous rappelle que nous devons toujours adapter nos méthodes afin d’apporter le message des trois anges à l’attention de ces millions de personnes qui ne connaissent pas encore Jésus. »

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